Beauty, un dispositif non évolutif pointé de micro événements…, des yeux qui s’ouvrent, un muscle qui bouge… Lieu-durée dans lequel le spectateur, une fois entré, circule à son gré accompagné par une bande-son où s’affrontent et se côtoient sans résolution deux mondes parallèles…,
Installation post-chorégraphique pour corps et machines centrée sur l’être corps en tant que fondement ontologique de l’existence au féminin – et la déclinaison de cet être-corps-là en tant que devoir de beauté. Promenade à la frontière entre corps artificiel et corps naturel, entre volonté interventionniste, artificialisation du corps et pressentiment de la vanitas, cérémonie de conjuration et ex-voto…

 

Notes d’intention
Un corps agi est-il un corps qui danse? ou bien,
peut-on encore parler de danse en ce qui concerne un corps agi ?

 

Une femme nue allongée sur une chaise longue est couverte de machines électriques pour musculation passive. Elle est blonde. Chevelure aux allures mythologiques. Eve… Vénus… Une vidéo projette le visage de la même femme, souriante blondeur, mais à une autre époque. À la console technique, un homme met en fonction alternativement une ou plusieurs parmi les machines, il en varie le rythme en composant une “chorégraphie” dont il est maître. Une voix enregistrée propose un voyage intérieur à travers la visualisation chromatique des chakras tandis que la bande-son est entrecoupée par d’obscures énumérations des substances miraculeuses pour l’épiderme…

 

Je pense que dans l’existence d’une femme, la confrontation avec l’idée de beauté est inévitable.
Qu’on la refuse ou qu’on l’accepte, qu’on n’y porte pas d’attention, ou qu’on prétende ne pas lui en porter, on n’échappe pas pour autant à cette confrontation, car même si elle n’est pas dans la relation que nous entretenons avec nous-même, elle est du moins dans le regard que les autres, et je dirais la société dans sa globalité porte sur nous.
La beauté pour une femme a toujours été, pour ainsi dire, un devoir.
Si l’on considère par exemple le domaine de la littérature, la beauté, ou son absence, est souvent une des connotations qui définissent les différents personnages féminins ou si l’on regarde autour de nous, nous pouvons aisément constater que notre quotidien, à travers affiches publicitaires, télévision, journaux, magazines, etc., est saturé d’images des belles femmes.
Certes, le canon de beauté est une catégorie historique et culturelle, les modèles de référence subissent des variations selon époques et civilisations et nous sommes confrontés à la “puissance normative des modèles corporels” proposés par la société dans laquelle nous vivons, et par ces modèles, qu’on le veuille ou pas, nous sommes influencés.
S’il y a un aspect qui caractérise notre monde contemporain c’est probablement l’idée qu’aujourd’hui la beauté peut se construire : les acquis médicaux et technologiques actuels dont nous disposons deviennent alors pour beaucoup de femmes une “deuxième chance” pour intervenir là où mère nature n’a pas accompli son travail de façon souhaitée/souhaitable, ou encore, pour sauvegarder le «patrimoine » esthétique car le devoir de beauté s’accompagne souvent du devoir de jeunesse.
Si les dieux de l’Antiquité avaient le pouvoir de rendre l’homme immortel ou du moins éternellement jeune, de nos jours c’est la recherche cosmétologique qui se charge de l’âpre combat contre le vieillissement, bientôt, s’il faut le croire, la biogénétique se chargera du remplacement des parties usées…
En radicalisant ce raisonnement on pourrait affirmer que le devoir d’être belle implique plus que jamais de nos jours l’idée de culpabilité en cas d’échec, car la beauté ne tiendrait qu’à notre volonté d’agir sur le corps (à travers des interventions chirurgicales, prothèses siliconées, etc.) et à notre capacité de le contrôler (grâce aux régimes alimentaires, machines modelantes, etc.).
On pourrait ainsi dire que la beauté acquiert une valeur morale1. Parallèlement à la conception d’un corps-objet  à bâtir-contrôler, on assiste à un élan renouvelé visant à soigner-libérer le sujet-esprit  grâce aux techniques d’exploration interne, car beauté rime aussi avec santé et détente.
Cours de relaxation découverte de soi libérez-vous du stress etc. côtoient ainsi séances de fitness et de musculation, dans un pot-pourri qui mêle les plus anciennes disciplines de tradition orientale à une vision purement mécanique du corps humain…

 

Beauty naît comme un miroir
Elle ne propose pas de réponses
Ni de jugements
C’est un état des lieux
Une stratification
La formulation d’une accumulation
Un paroxysme
Une façon de prendre les distances
Un miroir pour le spectateur-visiteur, aussi.

 

1) Au sujet de la moralisation de la beauté et du concept de contrôle des pulsions du corps, je voudrais signaler l’essai de Maria Michela Marzano Parisoli “Penser le corps”, Ed. P.U.F.