Pour une scénographie du dire

 

Le dire, qu’il soit social, politique, religieux ou philosophique, a toujours existé à travers des lieux. Prendre la parole c’est aussi prendre place dans un lieu, réel et symbolique, d’où le dire peut atteindre et toucher son auditoire. Cet espace, que l’on pense à la chaire, à la barre, au perchoir ou à la scène des théâtres, instaure une frontière nette entre l’orateur et l’auditeur, une frontière que seuls les mots traversent.

J’ai conçu la scénographie de L’Aire du dire avec une double volonté : celle de construire un espace tant sémantique que plastique pour les mots et le chant, et celle d’affirmer une formalisation scénique concrète de ce lieu du dire, lieu indissociable de cette frontière entre orateur et auditeur.

Un objet monumental disposé sur la scène incarne à la fois la puissance formelle d’une structure architecturale et la force symbolique d’une sculpture. La forme de cet objet s’inspire de celles de l’hémicycle et du pupitre, alliés des orateurs et des musiciens. Elle s’est imposée pour répondre à une double nécessité : celle de structurer la scène de manière signifiante et celle d’offrir un support organique – et invariant – à la forme naturelle d’un chœur de chanteurs. Ainsi, dans la confrontation des présences corporelle et mobile des chanteurs à cet objet, s’écrit une véritable dramaturgie indissociable de l’écriture musicale du compositeur.

L’objet que j’ai conçu est un anneau de plomb, en forme d’ellipse ouverte, d’une largeur de 7 mètres pour une profondeur de 4 mètres, suspendue à hauteur de pupitre. Par sa taille et sa masse, il génère une stabilité de l’espace scénique et amplifie la teneur expressive de notre projet, dont le propos essentiel est en somme la représentation d’une communauté humaine aux prises avec le dire.